Le 30 avril prochain, le département Bandes dessinées d’Artcurial, proposera aux enchères un ensemble de pièces provenant de la collection personnelle du chanteur Renaud. Parmi elles, la double planche de fin dessinée par Hergé pour Le Sceptre d’Ottokar, publié en 1939 (estimation : 600 000 – 800 000 € / 650 000 – 865 000 $).
« C’est un plaisir de dédier une partie de la vente à la collection de Renaud : planches originales, albums et souvenirs liés à la BD. Réunis avec passion, ces objets trouveront, selon les vœux de l’artiste, une nouvelle vie chez des amateurs sensibles comme lui à un univers qui l’a enthousiasmé durant de nombreuses années. » explique Eric Leroy, expert du département Bandes Dessinées d’Artcurial.
Renaud a décidé de se séparer d’une centaine d’œuvres aux enchères, originaux, figurines et albums. Le chanteur explique : « S’il est passionnant de constituer une collection, à la recherche de la pièce rare, il est désespérant de constater qu’une fois achetés et lus, mes BD s’accumulent, prennent la poussière, se meurent doucement. »
Renaud débute sa collection en achetant des albums « modernes », avant de découvrir chez un libraire belge, des œuvres plus anciennes. Autant de livres qu’il avait pu parcourir dans son enfance. Il décide alors de rassembler une trentaine d’albums, les incontournables de sa jeunesse (Alix, Jerry Spring, Blake et Mortimer, Lucky Luke, et bien sûr quelques Tintin et Spirou), mais il devient rapidement « accro » à toute la BD franco-belge, selon ses propres mots : « J’étais un néophyte, j’achetais tout et n’importe quoi, dans n’importe quel état et à n’importe quel prix. »
Ses albums ou planches préférés ? « Je les aime toutes mais j’ai une tendresse particulière pour les planches d’Hergé, de Jijé, de Le Rallic et Calvo. Et, pour citer les plus modernes, j’aime infiniment les planches de Manara, d’Enki Bilal, de Walter Minus ou Yves Chaland. S’il y en a une que j’aimerais posséder ce serait une planche du Lotus Bleu ou de Tintin au Tibet, répond-il.
Justement, Le Sceptre d’Ottokar prolonge le mimèsis né avec Le Lotus bleu : la Syldavie, paisible royaume d’Europe centrale, est victime d’une tentative d’Anschluss de la part de sa très agressive voisine la Bordurie.
Hergé soigne la distribution des rôles, avec notamment les Dupond/t qui explorent des pistes improbables, ou la Castafiore avec sa première et déjà tonitruante apparition. Mais il accorde aussi beaucoup d’attention à la mise en scène : il multiplie les rebondissements, les tours de passe-passe et les chutes qui donnent à cette fresque toutes les apparences d’un opéra.
La double page de fin a été acquise par Renaud directement auprès de la veuve Le Rallic, chez qui Hergé a dessiné pendant les années de guerre. « À l’époque, elle me la céda pour 100 000 F. C’était là la plus importante dépense de toute ma collection. Mais je ne regrette rien ! », raconte-t-il.
Tout au long des cases, la ligne claire fixe sur la feuille les mouvements qui donnent corps aux personnages et au décor : les Dupond/t – avec une nouvelle maladresse, l’hydravion – élément emblématique du récit, la case de fin – ornée de son blason… Il ne faut pas oublier la discrète apparition de Tintin et Milou qui clignent de l’œil, en direction du lecteur. Renaud détaille : « Il n’y a que peu de dessins de Tintin sur cette planche, beaucoup de Dupond/t mais ce clin d’œil, comme tout lecteur je pense, je l’ai pris pour moi. »