6 jeunes peintres français à l’honneur
Mireille Blanc, Nicolas, Chardon, Marion Charlet,
Mathieu Cherkit, Eva Nielsen, Jean-Xavier Renaud
« Oui », c’est par cet adverbe que se termine l’Ulysse de Joyce, dernier mot du monologue de Molly Bloom au sein de ce qui vient comme un acquiescement, en accord de ce qui est.
Il est stimulant de retrouver cette volonté d’affirmation dans l’intitulé de cette exposition qui rassemble de jeunes artistes dont l’œuvre se développe déjà avec vigueur.
Cependant la peinture au singulier n’existe pas.
Il existe des peintures, des façons d’aborder cette matière, colorée ou non, et de l’appliquer sur un support.
Aussi les démarches réunies ici ne prétendent pas à l’unité. Elles sont diverses en leurs pratiques et en leurs intentions. Leur seul point commun serait peut-être une attention au monde, une manière d’être en résonance avec ce qui nous englobe.
Cela les situe loin du terrain autoréflexif où l’on est parfois tenté de cantonner tout travail pictural, terrain stérile où le médium serait condamné à mettre en scène à l’infini son propre commentaire.
Or la détermination de toute démarche ambitieuse est de réagir à l’état des choses, que ce soit de façon distanciée, ou au contraire plus directe et engagée.
C’est le cas de Jean-Xavier Renaud dont les tableaux sont des constats de sentiments, individuels ou collectifs, par lesquels passent les affects de notre temps. Leur forme, souvent éblouissante, ne tempère en rien leur acidité.
Forme tout aussi maîtrisée chez Éva Nielsen, mais qui traduit un regard plus tendu, comme s’il fallait sans cesse essayer de briser l’écran interposé entre le spectateur et la réalité. Cette impression se renforce du trouble mélange entre image unique et sérielle, produit par l’interpénétration entre peinture et sérigraphie.
Cet écran se retrouve dans les toiles de Marion Charlet, mais là aussi il se brise sous les coups de l’inquiétude provoquée par des représentations qui tendent vers une forme d’imaginaire et de science fiction, évoquant parfois un univers dystopique.
Chez Mathieu Cherkit, le réel se donne plus directement, de manière presque prosaïque dans l’exploration qu’il fait de sa propre maison. Cependant, le diable est dans les détails et il faut être attentif aux multiples signes et objets qui viennent se nicher à la surface de ces intérieurs constructivistes.
Constructivisme qui passerait par la case suprématiste chez Nicolas Chardon, mais un suprématisme ironiste, loin de l’enthousiasme utopique des débuts du XX° siècle, comme si une sorte de désenchantement était devenu nécessaire pour se tenir dans la lucidité requise par un monde toujours prêt à basculer.
Lucidité qui engage peut-être à une attitude modeste, comme celle de Mireille Blanc, concentrée sur des détails ou des fragments, mais dont la modestie se dépasse dans l’acuité et la détermination qui l’amène à dresser une sorte d’inventaire des choses et des êtres.
Si ces artistes ont choisi d’être peintres, c’est en toute conscience de ce que leur permet le médium qu’ils ont adopté. Ils ne le subissent pas et n’y sont pas aliénés. Ils agissent avec les moyens qu’ils se sont donnés. En cela ils sont au plus près de ce que l’art d’aujourd’hui peut produire de plus pertinent.
Texte par Marc Desgrandchamps