Print Friendly and PDF

Arts Décoratifs du XXème siècle “Céramiques d’exception”

MERCREDI 19 ET JEUDI 20 SEPTEMBRE À L’ESPACE TAJAN

“Apprécier en connaisseur une belle poterie. Savourer son aspect à la fois barbare et raffiné et, tout en se rinçant l’œil, promener sur la matière qui s’échauffe doucement la caresse d’une main voluptueuse : voilà une jouissance que peu de personnes songent à se procurer.
William Lee

A l’occasion de la Biennale des Antiquaires 2012 la maison de ventes aux enchères TAJAN est heureuse de vous présenter sa prochaine vente de céramiques avec le concours de l’expert Jean-Jacques Wattel. Le département des arts décoratifs, dirigé par Catherine Chabrillat, vous convie le mercredi 19 et le jeudi 20 septembre 2012 à un événement réunissant une vaste sélection de 400 pièces uniques, estimée à un million d’euros … Les deux collections offertes au marché s’étendent sur plusieurs époques et rassemblent une grande variété d’artistes :  l’avant-gardisteLaurent Bouvier et les créateurs de la célèbre école Carriès à la fin du XIXème siècle (Jean Carriès, Georges Hoentschel, Paul Jeanneney…),  les grands maitres de la céramique art déco des premières décennies du XXème siècle (Ernest Chaplet, Auguste Delaherche, Emile Lenoble, Emile Decoeur, Jean Mayodon, Edouard Cazeaux, Séraphin Soudbinine…) et enfin les céramistes d’après guerre (Georges Jouve, Juliette Derel, Jean et Jacqueline Lerat, Valentine Schlegel, Jean Derval, Roger Capron).

LA CERAMIQUE A TRAVERS LES SIECLES
Activité millénaire, la céramique a joué un rôle de premier plan dans toute société en développement. A travers les siècles, le travail de la terre témoigne de la vie quotidienne des hommes et de leur savoir-faire.
Tout d’abord utilisée dans la sphère domestique (conservation et transport d’aliments) pour sa solidité et ses qualités pratiques, la poterie devient peu à peu objet d’art. Le bon ouvrier et l’artiste inspiré qu’est le céramiste multiplie les fonctions : tourneur pour le façonnage de la terre, chimiste pour la confection des émaux, peintre ou sculpteur pour le décor, cuiseur lors de l’étape finale. 
Les vestiges gallo-romains recèlent quantité de poteries prouvant l’habileté des premiers artisans gaulois. Mais l’effondrement de l’empire romain nuit rapidement à leur essor, laissant place à la poterie vernissée inventée par les Arabes et introduite en Europe au XIIIème siècle. 
En France, la céramique n’échappe pas à l’influence italienne qui irrigue tout le tissu artistique à la fin du XVème siècle. Les grands du royaume s’entourent d’excellents céramistes pour embellir châteaux, monastères et abbayes. Dès le XVIème siècle, la famille italienne des Conrade s’installe à Nevers sous la protection de Louis de Gonzague, Duc de Nevers et élabore une faïence artistique de qualité, point de départ d’une production de renom. Malgré tout, l’orfèvrerie et la poterie d’étain garderont une suprématie pour le service de la table et la confection d’objets usuels. 
Il faudra attendre le dernier tiers du XVIIème et les édits somptuaires de Louis XIV pour assister à la création et au développement de nombreuses faïenceries sur le territoire français (Marseille, Moustiers, Nevers, Rouen, Strasbourg…), caractérisées par une production de qualité et un sens raffiné du décor.
Mais l’arrivée de la porcelaine d’Extrême Orient constitue un véritable tournant en ce qu’elle va rapidement détrôner la faïence de son piédestal. Importée massivement en Angleterre et aux Pays-Bas aux XVIIème et XVIIIème siècles, elle fera l’objet de recherches pour en percer le secret de production. 
En 1768, la matière indispensable à l’élaboration de la porcelaine est découverte à Saint-Yrieix-la Perche, près de Limoges. Par sa pureté, le kaolin limousin succède à la pâte tendre et va offrir à la France une porcelaine dure d’une blancheur exceptionnelle, bientôt devenue la production de référence en Europe.
Le XIXème siècle voit l’avènement de deux types de céramique : une porcelaine richement décorée, peinte, ainsi qu’une faïence fine produite en série. La poterie utilitaire a quant à elle survécu pendant plus de trois siècles.
La manufacture de Sèvres devient sous la direction d’Alexandre Brongniart le centre d’études et de recherches de la céramique française. Cette centralisation permet des avancées techniques importantes, en témoigne la mécanisation des manufactures de faïence et de porcelaine et une division du travail accrue. 
Introduit en France dans le Beauvaisis des le XIVème, le grès s’est d’abord imposé comme le matériau idéal à la conservation et au transport des aliments. Il est ensuite devenu une céramique de prestige, pour entrer en architecture à la fin du XIXème, notamment sous l’influence des théories de l’école rationaliste et du concept art et industrie. C’est un nouveau matériau résistant, varié, et coloré mis à la disposition du créateur. 
Enfin, l’attrait pour le naturalisme japonais sera progressivement développé à mesure que les céramistes s’intéressent à l’Extrême Orient. D’abord exprimé dans le décor, il incarnera également la plénitude de la forme et la sublimation de la matière.

Laurent Bouvierl’avant-gardiste

Né le 20 septembre 1840 dans l’ancienne province française du Dauphiné, Laurent Bouvier ne s’installe à Paris qu’à l’âge de vingt et un ans. Poussé par une mère dévote à intégrer les troupes de zouaves pontificaux, il parviendra à se détourner de cette destinée et profitera de son voyage à Paris pour visiter musées et monuments. Ebloui par la profusion d’œuvres de la capitale, il est d’abord fortement marqué par les canons gréco-romains, tels qu’ils ont été compris en Occident dès la Renaissance.
De retour à Paris pour débuter des études de droit, Laurent Bouvier fait la rencontre du peintre Alfred Capelle qu’il se donnera pour maitre. Ce dernier conseille au jeune bouvier de fréquenter l’Académie Suisse où il fera de fameuses rencontres : Edouard Manet, Claude Monet, Jean-Charles Cazin, Henri Fantin Latour et Félix Bracquemond. Au contact de celui-ci, graveur à l’originalité remarquée, Laurent Bouvier décide de devenir céramiste. Alors que de nombreux ateliers franciliens avaient fait le choix de la faïence, pour la noblesse de sa matière, la sûreté d’exécution, Bouvier préfère la terre vernissée, conquis par l’authenticité de la poterie d’usage.
Egalement inspiré par les ébénistes André Charles Boulle et Pierre Gole, Laurent bouvier trouve sa conception : l’ornement placé comme élément structurel d’un décor.  Il en fait une signature inimitable sur ses formes de prédilection : hauts vases balustres, grandes amphores élégantes dépourvues d’anses… Félix Bracquemond avait déjà anticipé son succès : « du jour au lendemain, son nom fut sur toutes les lèvres, on se disputa ses vases et ses plats ». 
Laurent Bouvier portera surtout son attention sur l’Extrême Orient, en introduisant l’idée d’un naturalisme japonais dans l’art français, ce qui lui vaudra l’admiration du collectionneur et fervent japonisant Philippe Burty. En témoignent la pierre gravée comme une pierre lithographique, les arabesques, les nielles conçues avec la précision et la finesse du meilleur orfèvre.
Dessinateur, peintre, céramiste, Laurent Bouvier affiche aux côtés des modernistes après la guerre de 1870 dans la galerie du célèbre marchand Paul Durand-Ruel, rue des Petits Champs. Il parvient à combiner sur des mêmes œuvres l’ornement, la faune et la flore. Il réinvente véritablement la nature morte qui ne se trouve plus posée sur la toile mais bien à la surface d’une poterie.
Au cours des années 1870, Laurent Bouvier participe à la mutation des arts décoratifs, transformant l’artisan en artiste. A l’instar des peintres impressionnistes, il crée des variations flamboyantes et emprunte à la féerie florale des émaux asiatiques, ainsi qu’à l’Egypte ancienne et à la Grèce Antique. La composition, par ses camaïeux de couleurs et de nuances, envahit toute la surface du plat. La céramique devient l’égale de la peinture.
Malgré un mal inexorable, dont l’acharnement aura définitivement raison de ses forces le 13 Décembre 1901, Laurent Bouvier exposera six œuvres au Musée centennal de l’exposition universelle de 1900, éphémère parangon des arts décoratifs.
C’est avec tout son talent que Laurent Bouvier a entrepris de convaincre une nation occidentale d’envisager l’art céramique à la manière de l’extrême orient. « Au delà d’une œuvre qui se perçoit aujourd’hui comme l’exacte transcription des préoccupations esthétiques d’une époque, c’est l’élévation de la discipline à l’égal de celle des beaux arts qu’il convient aussi de retenir » (Marc Ducret, historien de la céramique).

Commenta con Facebook

leave a reply

*