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Chez Sotheby’s une emblématique statue Fang-Mabea

Une statue ayant appartenu à deux figures emblématiques de l’art africain : Félix Fénéon et Jacques Kerchache Estimée € 2,5 - 3,5 millions
Une statue ayant appartenu à deux figures emblématiques de l’art africain : Félix Fénéon et Jacques Kerchache
Estimée € 2,5 – 3,5 millions

18 juin 2014, Paris

Sotheby’s a le privilège d’annoncer la vente, le 18 juin prochain, d’un chef-d’oeuvre de la statuaire africaine: l’emblématique statue Fang-Mabea ayant appartenu à Félix Fénéon puis à Jacques Kerchache.

Dès sa découverte au début du XXe siècle par les membres de l’avant-garde, la statuaire Fang a été considérée comme le sommet de l’art sculptural africain. À la veille de la première Guerre mondiale, ces pièces restent cependant très rares et aujourd’hui encore, moins d’une dizaine d’oeuvres compose le corpus le plus restreint de la statuaire Fang : celui des Fang Mabea (Cameroun). L’oeuvre la plus importante de cet ensemble – et la seule encore conservée en mains privées – est mise en vente le 18 juin chez Sotheby’s à Paris.

Cette statue spectaculaire (67 cm) qui oscille entre réalisme des détails et idéalisation de la silhouette,
constitue l’apothéose du style. Selon Louis Perrois, elle évoque vraisemblablement une aïeule vénérée pour son abondante descendance et s’impose comme un chef-d’oeuvre archétypal de la statuaire africaine. Les surfaces parfaitement polies du bois dense de teinte blonde et le raffinement de la sculpture dénotent une tradition très ancienne. Les amateurs pourront admirer la délicatesse de certains détails, comme le dessin des creux claviculaires, typique du style Mabea, rehaussé de motifs inédits dans l’art Fang.

À la virtuosité de la facture s’ajoute le génie de l’artiste parvenu à insuffler dans son oeuvre, la présence de l’ancêtre. La
grande expressivité du visage est accentuée par le modelé de pommettes saillantes et des lèvres finement ourlées s’ouvrant sur des dents taillées en pointe. De l’amorce d’un mouvement, de la parole suspendue et du regard évoquant celui d’une magicienne inspirée, émanent les sentiments conjugués de force et de sacralité.

La provenance de cette statue contribue sans nul doute à son prestige. En 1919, Guillaume Apollinaire rendait hommage à la « grande audace du goût » des artistes, mais aussi des amateurs qui ont été les premiers à reconnaître la valeur artistique des « idoles nègres ». Parmi eux se distingue celui qui fut, dès la fin du XIXe siècle, un éclaireur majeur dans la
formation de la sensibilité moderne : le critique, directeur de revues, marchand d’art et collectionneur, Félix Fénéon (1861-1944). Celui qui fut le héraut des néo-impressionnistes est engagé en 1906 par la galerie Bernheim-Jeune comme directeur artistique. Son extraordinaire collection personnelle comprend des toiles de Seurat, Vuillard, Toulouse-Lautrec, Braque, Matisse, Modigliani – autant de peintres dont il fut l’ami – et l’un des plus importants ensembles d’arts d’Afrique d’Océanie et d’Amérique de son temps. Dès les années 1920, Félix Fénéon participe à toutes les manifestations qui ont oeuvré à la reconnaissance des arts africains. Troisième opus de la vente historique de sa collection, en 1947, l’ensemble « Afrique, Océanie, Amérique » compte près de 400 pièces, dont la statue Fang Mabea est célébré, lors des enchères, comme le chef-d’oeuvre. Le collectionneur et marchand d’art moderne Albert Kleinmann, l’achète et la conserve jusqu’à sa mort en 1957. En 1972, ses descendants s’en séparent et c’est Jacques Kerchache qui en devient le propriétaire. Il fait d’elle l’icône de sa collection personnelle.

L’engagement de ces deux hommes pour la défense des arts d’Afrique n’est plus à démontrer. Félix Fénéon publie en 1920 dans Le Bulletin de la vie artistique, un vibrant plaidoyer : « Enquête sur les arts lointains (seront-ils admis au Louvre ?) ». Soixante-dix ans plus tard (le 15 mars 1990), Jacques Kerchache lance dans Libération son manifeste « Pour que les chefsd’oeuvre du monde entier naissent libres et égaux… la huitième section du Grand Louvre ». Un combat qui a largement contribué à l’entrée d’une centaine de pièces majeures des « arts lointains » au coeur du Louvre, en 2000. Cette statue Fang Mabea, aujourd’hui considérée comme un chef-d’oeuvre universel, est ainsi passée entre les mains de deux prodigieux collectionneurs, deux figures parmi les plus emblématiques de l’art africain.

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