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L’exceptionnelle collection d’art Océanien réunie par Murray Frum aux enchères

16 septembre 2014, Sotheby’s

L’exceptionnelle collection d’art Océanien réunie par Murray Frum pendant plus de cinquante ans constitue dans ce domaine le plus important ensemble présenté en vente depuis ces trente dernières années. En vente le 16 septembre chez Sotheby’s à Paris, cette collection illustre la très riche variété stylistique des arts océaniens – depuis des parures des îles Salomon collectées en 1862 jusqu’à la monumentale statuaire de Nouvelle-Irlande. Elle se distingue en particulier par ses trésors de Polynésie, associant à leur très grande rareté, la qualité remarquable des oeuvres et leurs provenances historiques.

La première moitié du XXe siècle fut un âge d’or pour les collectionneurs britanniques amateurs d’art océanien, avec l’apparition sur le marché d’une multitude d’objets collectés durant le siècle précédent par les missionnaires, les voyageurs et les officiers coloniaux. Les noms des plus célèbres d’entre eux sont superbement mis à l’honneur dans la Collection Frum, avec neuf oeuvres provenant de la collection de James Hooper (1897-1971) – acquis lors des célèbres ventes aux enchères de sa collection, en 1979 et 1980 – d’autres ayant appartenu aux collectionneurs Harry Beasley (1881-1939) et Kenneth Webster (1906-1967), ou encore à l’artiste et collectionneur Jacob Epstein (1880-1959). Les missions de collecte des musées allemands et d’Europe Centrale à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle se reflètent également dans la collection Frum, avec d’importantes oeuvres mélanésiennes qui firent un temps partie des collections du Linden Museum de Stuttgart, du Museum für Völkerkunde, de Vienna, et du Néprajzi Múzeum de Budapest.

Le Dr. Murray Frum (1931-2013), homme d’affaires canadien d’origine polonaise installé à Toronto, acquit sa première oeuvre d’art africain en France, en 1957, lors de son voyage de noces. Depuis lors et pendant plus de cinquante ans, il constitua au cours de ses voyages en Europe et aux Etats-Unis, une extraordinaire collection d’art africain, océanien, précolombien mais aussi de la Renaissance et d’art décoratif. Collectionneur passionné et exigeant, il se distingue aussi comme un grand philanthrope, faisant don d’une partie de sa collection d’art africain à The Art Gallery of Ontario, affirmant par ce choix d’un musée des beaux-arts, la place des arts premiers dans l’histoire universelle de l’art. Selon Matthew Teitelbaum, directeur de l’Art Gallery d’Ontario, « je connais peu d’hommes qui eurent un sens aussi pointu du goût“.

Trésors de la Collection Frum
Parmi les trésors de Polynésie figure en particulier la hampe d’un « dieu-bâton » (atua rakau) de l’île de Rarotonga, Îles Cook. Cet objet sacré relève d’une des traditions sculpturales les plus rares de Polynésie. Provenant de la Collection de James Hooper, elle constitue la partie supérieure d’un bâton dont la tige centrale était enveloppée d’une étoffe en tapa. Si leur signification demeure énigmatique, ils ont été associés à l’incarnation du dieu créateur Tangaroa, à la représentation généalogique du lignage royale, et à la matérialisation des principes masculins et féminins. Le missionnaire John Williams, de la London Missionary Society, affirme avoir détruit la majorité de ces objets sacrés alors jugées idolâtres, lors de son séjour sur l’île de Rarotonga, entre 1827 et 1828. Aujourd’hui parmi la vingtaine de ces objets sacrés qui ont survécu, seuls trois, dont celui-ci – l’un des exemplaires les plus raffinés du corpus – demeurent en mains privées.

Provenant également de Polynésie, un exceptionnel ensemble d’art Maori, de Nouvelle-Zélande. L’oeuvre majeure en est une statue en pied – dont la prégnance du visage est accentuée par la beauté des tatouages et les cheveux ajoutés -, considérée comme un sommet de l’art Maori. Daté de la fin du XVIIIe siècle ou du début du XIXe siècle, elle s’inscrit dans le très étroit corpus des statues anthropomorphes indépendantes de toute structure architecturale. Parmi les six statues en ronde-bosse parvenues jusqu’à nous, celle de la collection Frum est la seule demeurée en mains privées (les autres sont conservées au Hunterian Museum de Glasgow, au Sainsbury Centre de Norwich et au musée Te Papa Tongarewa de Wellington, en Nouvelle-Zélande). Si un récit daté de 1855 évoque une « idole commémorative », les références à ces sculptures – selon toute vraisemblance des ancêtres déifiés – dans la littérature spécialisée, sont très rares.

L’ensemble de sculptures de Nouvelle-Irlande de la Collection Frum évoque magistralement le « pouvoir de séduction et de fascination » que posséda cet art aux yeux d’André Breton et des Surréalistes. Il est dominé par une monumentale statue uli incarnant, avec son – rare – personnage auxiliaire ventral, la puissance idéalisée d’un chef de clan (à la fois fort et agressif, et capable de nourrir son clan). Selon l’ethnologue allemand Augustin Krämer, qui séjourna en Nouvelle-Irlande de 1909 à 1907 afin d’étudier la signification et l’usage des statues uli, ces imposantes figures ancestrales de chefs claniques étaient précieusement conservées de génération en génération et sorties lors d’importantes cérémonies. Leur usage cessa vers 1914. Collectée en 1882 lors de l’Expédition Austro-Hongroise, ce uli entra dans les collections du Linden Museum de Stuttgart, avant d’entrer dans celles de deux célèbres collectionneurs d’art de Nouvelle-Irlande : Ernst Heinrich, puis le peintre et sculpteur d’avant-garde, Serge Brignoni.

La statue « dansante » imunu, Golfe de Papouasie, Papouasie Nouvelle-Guinée s’impose comme la plus remarquable du très rare corpus des « statues dansantes » imunu, dont la silhouette épouse le mouvement tourmenté des racines de mangrove, « trouvées » par un sculpteur à la suite d’un rêve. Cette statue, manifestation onirique d’un être-esprit, fut collectée par l’anthropologue Paul Wirz (1892-1955) durant son voyage de recherches, en 1929-1931, dans le Golfe de Papouasie. Sa présentation en 2001 à la galerie Krugier, à New York, lors de l’exposition « Traces : Primitive and Modern Expressions », rendit hommage à la saisissante modernité de son expression.

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